jeudi 11 mars 2010

Première critique française sur Remember Me

Une histoire banale à portée universelle, transformant son apparente simplicité en force narrative

Note : 4/5

On murmure qu'il y avait fort à craindre de ce Remember Me porté par un jeune acteur en vogue pour de mauvaises raisons et réalisé par un habitué du petit écran. Mais c'eut été oublier le précédent opus cinématographique d'Allen Coulter, le très réussi Hollywoodland, qui quatre ans plus tôt prouvait déjà la capacité du réalisateur à gérer la mise en espace. C'eut été oublier également que la télévision et son cadrage resserré a souvent le mérite d'intimement rapprocher spectateurs et personnages, et la sagesse de Coulter aura ici consisté à emprunter aux deux supports leurs forces respectives.

Avec un sujet finalement pas si éloigné d'Hollywoodland, Remember Me continue sur la route ainsi tracée, offrant un vrai travail sur le rendu d'une ambiance, d'une époque, d'une ville, sans jamais diluer ses protagonistes dans un matériau pourtant élargi.

De fait, si New-York y est pratiquement un personnage, si le film peut sans doute prétendre à l'étiquette (bien souvent galvaudée) de « film générationnel », il n'en demeure pas moins avant tout l'histoire de Tyler Hawkins, jeune paumé semblable à mille autres mais en rien dénué d'intérêt pour autant.

Après une scène d'ouverture glaçante de banalité tragique (et assurant d'entrée de jeu le savoir-faire de Coulter), la narration prend donc le parti de suivre pas et pensées du héros, et c'est par son regard plus désabusé que réellement cynique que se dévoilera une histoire banale à portée universelle, faisant de sa simplicité une véritable force. Il serait d'ailleurs très réducteur de décrire le scénario de Will Fetters comme un drame romantique tant il sait entre les lignes explorer d'autres pistes, tant son traitement des autres protagonistes compose un tableau beaucoup plus riche, peinture d'un milieu donné à une époque perçue comme passive et finalement charnière.

Bien sûr ce coup d'essai n'est pas exempt de (rares) fausses notes, un joli moment ou deux dont l'impact est amoindri par une explication de texte quand le silence les aurait mieux servi... Rien, cependant, qui ne soit suffisant pour ôter à la narration une parfaite fluidité s'étendant à la caméra. Car scénariste et réalisateur sont ici en totale symbiose, pour un résultat visuellement superbe, extrêmement travaillé dans sa photo et très naturel dans sa mise en scène. Coultner visite l'univers de Tyler en plan-séquence, filmant la nervosité des corps, l'exigüité des rêves et des sentiments au sein d'une ville pourtant immense.

Devant son objectif, Robert Pattinson se révèle délicieusement surprenant, parvenant vite à faire oublier l'insipide vampire qui lui valut sa notoriété. Si on le note moins à l'aise dans le silence ou l'immobilité, quand il s'agit juste de poser, on remarquera sa façon de jouer dans le mouvement. A ses cotés, le reste de la distribution offre un ensemble de performances nuancées et sincères, d'un Pierce Brosnan figé à une Lena Olin touchante, en passant par la prestation remarquable de la jeune Ruby Jerins.

Reste la fin, qui ne pourra plaire à tout le monde, voire laisser le spectateur incapable de savoir s'il a ou non aimé, mais il sera difficile de nier la parfaite mise en place de cette conclusion pas vraiment attendue. On appréciera en tout cas qu'au lieu de remettre les choses en perspective, de démystifier son héros, cette fin préfère ouvrir à quelque chose de plus grand. L'impact émotionnel ainsi laissé par Remember Me est d'autant plus fort qu'il parvient à transcender son sujet sans jamais le perdre de vue.

Julie DECOTTIGNIES pour excessif.com

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